vendredi 21 juin 2013

Eborgné pour ses idées
In Le Rouge et le Noir

Je ne sais pas comment l’histoire se souviendra de ce soulèvement de 2013 qui embrasa les cœurs d’une jeunesse de France. Je ne sais pas comment l’identité et l’âme de la France sortiront de ce mouvement. Mais ce que je sais, c’est que cela fut au prix de sacrifices, d’injustices, de brutalités gouvernementales, de violences policières. La condescendance des pouvoirs publics a conduit une frange de la population habituellement légaliste et intégrée à se radicaliser. Le revers de la médaille pour la présidence socialiste, c’est qu’une jeunesse blessée dans son esprit de liberté chérie conduit inévitablement à créer un terreau increvable de résistance devenu légitime.
Les manifestants deviennent militants, deviennent résistants face à un gouvernement dans le déni démocratique. Une guêpe piquera toujours avant de mourir. On en viendrait presque à penser que le combat est entré dans une forme Rostandienne, qui accepterait le postulat selon lequel : « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile  ». « Les causes perdues ont toujours débouchées sur des actes désespérément radicaux et irréversibles.  ». Loin de moi l’idée de comparer, mais l’OAS serait-il né si le Putsch des généraux avait réussi, le printemps français serait-il né si la manifestation du 24 mars s’était passée en ordre de bataille ? Faut-il s’en réjouir, le condamner, l’histoire tranchera.
Les historiens se pencheront aussi sur les violences policières, la disproportion dont Valls se rendit coupable et qui atteignit son paroxysme au soir du 26 mai 2013. Le déséquilibre de la réponse policière vis-à-vis des évènements du Trocadéro et de la LMPT est symptomatique d’un gouvernement qui, dans ses idiomes et son système de pensée, différencie en strate la société française. Les témoignages sont nombreux, les traces écrites gravées dans la blogsphère, les mémoires et les coeurs saignés à blanc. Le malaise d’injustice grandit, les consciences se réveillent. La colère s’exacerbe.
« Je n’aime pas ces hommes qui ont pour doctrine officielle la liberté, la légalité et le progrès, et pour symbole un sabre et le despotisme.  » Lamartine
 
Mon témoignage n’est qu’un parmi tant d’autres. Au soir du 26 mai, j’ai été victime de l’idéologie de gauche, de cette gauche qui se veut morale et qui ne tolère pas que la vérité proclamée du progrès soit discutée. Mon corps en porte encore les stigmates et en portera sans doute toujours la marque. J’ai reçu un flash ball dans la cuisse et une grenade assourdissante en plein visage qui m’a fait perdre l’usage de mon oeil droit. Depuis le 26 mai, je suis borgne. J’ai subi la violence d’un gouvernement qui n’accepte aucune contestation qui entraverait ses plans. J’aimerais tant qu’ils arrêtent d’enchaîner la liberté d’expression, et qu’ils se sentent davantage l’âme voltairienne [1] « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire.  ». J’aimerais qu’ils s’enivrent de la phrase de Kierkegaard « Il s’agit de trouver une vérité qui en soit une pour moi, de trouver l’idée pour laquelle je veux vivre et mourir.  ». Je n’ai aucune rancoeur, mais je veux faire naître dans l’esprit des gens cet électrochoc intérieur qui libère la vérité. Une prise de conscience est essentielle pour la survie d’une démocratie saine et vivante. La liberté oui, mais non dans la démesure des lubies humaines. Nous ne sommes rien à l’échelle du temps, sachons préserver ce qui doit être préservé pour le bien commun de notre société. Dénaturer le Bien universel de la famille c’est frapper d’un sabre mortifère la survie de notre humanité.
Jeudi 20 juin [2], je subirai une opération chirurgicale à Nantes. Elle ne sera pas la dernière. Cette première intervention consistera à m’enlever le voile noir qui obstrue ma vue. Ma rétine est également touchée, mais la chirurgie laissera place au temps, car dans 30% à 40% des cas la rétine se reforme d’elle-même. Si ce n’est pas le cas, je subirai en septembre une autre intervention qui n’est pas assurée de me redonner la vue.
L’espoir est la marque de notre courage, mettons le au service de ce qui nous
anime
 tous. Protégeons ce qu’il faut irrémédiablement protéger : « Le mal triomphe par l’inaction des gens de bien. » Edmund Burke.
 
Jusqu’où iront-ils ?
Tireront-ils sur la foule ?

[1] Cette phrase apocryphe n’a probablement jamais été prononcée par Voltaire, qui l’a contredite avec passion toute sa vie dans ses écrits et ses faits.
[2] Cet article a été écrit le 19 juin 2013.

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