vendredi 25 avril 2014

ABCD DE L'EGALITE: CE QU'EN PENSENT LES ENSEIGNANTS

Par Marie in Enseignants pour l'enfance

ABCD de l’Egalité : programme illégal ?
mardi 22 avril 2014, par oleg

La question nous est souvent posée, en conférence ou ailleurs. Cet ABCD de l’égalité, promu avec tant d’ardeur par nos ministres, est-il après tout bien légal ? Peut-on, à cette vitesse et avec une telle opacité, conduire un projet d’une telle ampleur ? Un document institutionnel venant de paraître sur le site de l’Education nationale, semble pouvoir donner réponse. Datée du 3 avril 2014, la "Charte relative à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des programmes d’enseignement ainsi qu’aux modalités d’évaluation des élèves dans l’enseignement scolaire", [1] est un texte qui donne la marche à suivre pour l’élaboration de tout programme à venir.

L’ABCD de l’égalité est-il bien un programme ?


L’interrogation après tout n’est pas inutile : bien des défenseurs de l’ABCD de l’égalité refusent de répondre aux accusations de fraude, arguant du fait que ce dernier n’est pas un programme, mais une simple orientation éducative. Pourtant, la charte citée stipule qu’ "on appelle "programme toute prescription qui définit ce qui doit être enseigné dans les écoles et établissements publics et privés sous contrat." De plus, il se trouve que, sur le même site de l’Education nationale, l’ABCD de l’Egalité se définit comme "un programme mettant à disposition des enseignants des outils et des ressources pédagogiques et visant à transmettre aux élèves la culture de l’égalité entre filles et garçons". [2] La chose est donc entendue, le projet éducatif, initialement voulu par Monsieur Peillon et actuellement repris par son successeur, entre bien dans les prérogatives de l’Education Nationale, qui se charge d’instruire les jeunes de notre pays à l’aide d’un certain nombre de programmes.

Le contenu de l’ABCD de l’égalité respecte-t-il la charte des programmes ?

Confronté au document du conseil supérieur des programmes, l’ABCD de l’égalité, en son contenu comme en sa mise en oeuvre, laisse apparaître des contradictions. Pour ce qui est du contenu, il est dit que les programmes d’enseignement définissent une "norme nationale qui est à ce titre la référence centrale de l’éducation et la garantie d’une ambition et d’une culture communes". Or, la promotion de l’indifférenciation des sexes, qui est au coeur des ABCD, relève d’un parti pris anthropologique qui ne saurait faire oeuvre de culture commune. Le site de l’ABCD lui-même le signale, qui entend, au travers d’une proposition pédagogique dédiée au "Petit Chaperon rouge", "lutter contre les modes culturels dominants". Est-ce bien alors vouloir fonder une culture commune que de vouloir éradiquer celle qui nous fut transmise ?

La mise en place l’ABCD de l’égalité respecte-t-elle la charte des programmes ?

De même, le texte de la charte préconise, pour l’application de tout programme, "un principe de transparence et d’accessibilité", véritable "fondement démocratique", qui s’énonce comme suit : "les citoyens, à commencer par les parents et tous les acteurs de l’éducation, doivent avoir accès aux programmes d’enseignement, connaître leurs modes d’élaboration, pouvoir s’exprimer dans les débats qui précèdent les grands choix et être informés des évaluations des programmes réalisées a posteriori." Solennelle autant que ferme, l’exigence ici prononcée ne peut, pour qui s’est intéressé à la mise en place de l’ABCD de l’égalité durant cette année scolaire, que déclencher une réaction d’étonnement. Sait-on que des Académies pilotes refusent de délivrer aux parents qui le demandent le nom des écoles où se trouve expérimenté l’ABCD ? Sait-on aussi que, si le dispositif expérimental de l’ ABCD de l’égalité a formé inspecteurs et inspectrices de l’Éducation nationale, conseillers et conseillères pédagogiques de circonscription pour qu’ils deviennent à leur tour formateurs, il est impossible de savoir qui a dispensé auprès de ces derniers la dite formation ? Sait-on enfin que, d’avril à juin 2014, est prévue une évaluation du dispositif en vue de sa généralisation, sans que l’on soit en mesure de connaître les modalités exactes de cette dernière ? L’opacité est donc totale et les contenus délivrés demeurent flous, comme en témoigne l’avalanche de questions qui nous est posée sur le sujet et l’incapacité en laquelle nous nous trouvons, nous autres enseignants, d’y répondre. Jamais dans l’histoire de notre institution, un programme n’aura fait montre d’une telle obscurité, jamais n’aura été exprimée une telle inquiétude de la part de parents qui confient leurs enfants à l’école.

Que faire face à une institution illégale ?

Qu’on ne s’étonne pas alors si certains d’entre eux vont jusqu’à retirer, une fois par mois, leur progéniture de cette institution qui s’autorise le travestissement des faits comme la dissimulation des pratiques [3] : compréhensible, ce geste signale à l’école la situation d’illégalité en laquelle elle s’est elle-même placée. Il est un appel à plus de concertation entre les acteurs de l’éducation, à plus de visibilité auprès des parents. Il est l’exigence d’une légitimité qui a été perdue et par laquelle l’école de la République s’est, aux yeux de beaucoup et pour longtemps sans doute, discréditée. Seul alors le retrait total et définitif de l’ABCD de l’égalité pourrait redonner à l’institution scolaire quelques gages de crédibilité, prémices, espérons-le, d’une confiance enfin retrouvée.
Notes
[1] http://www.education.gouv.fr/cid78644/la-charte-des-programmes-adoptee-par-le-conseil-superieur-des-programmes.html
[2] http://www.cndp.fr/ABCD-de-l-egalite/accueil.html
[3] Le 31 mars 2014, 31 548 enfants ont été retirés de l’école par leurs parents. Pour rappel, il y en avait eu en février 17 924. Source : www.jre2014.fr

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