mardi 22 mars 2016

LES VICTOIRES IDEOLOGIQUES PRECEDENT LES VICTOIRES POLITIQUES

Par Edouard in Marianne

Le grand repli identitaire des catholiques de France


Politisés, hyperactifs, radicalisés, ils sont les nouvelles voix de la foi chrétienne. Certains n'hésitent plus à afficher leurs sympathies pour le Front national. Une enquête à lire dans "Marianne" en kiosque cette semaine.

A l'Ecole normale supérieure, on croyait ce mot oublié, remisé dans les archives du jargon ulmiste. Et pourtant, il est dans toutes les bouches depuis quelques mois. "Tala", une abréviation pour désigner les étudiants "qui-vont-à-la-messe". Une première raison de se réjouir pour la philosophe catholique Chantal Delsol, chantre de la France des églises et de la Manif pour tous. Celle-ci note également que cette année, le major de l'agrégation de philosophie comme celui d'histoire étaient issus des rangs des "veilleurs", ces jeunes hostiles au mariage pour tous qui se sont fait connaître en manifestant en silence, devant de petites bougies blanches, y consacrant des nuits entières. Selon Chantal Delsol, voilà un nouveau signe de l'armement idéologique en cours de la droite catholique.

Ces cathos nouvelle génération ont lu Gramsci, et savent que les victoires idéologiques précèdent toujours d'autres victoires, politiques. Dans les grandes écoles, sur les réseaux sociaux, sur les plateaux de télévision, les catholiques l'affirment désormais haut et fort. Décomplexés par la Manif pour tous, ceux-ci ont trouvé dans la personne de l'Abbé Grosjean une figure de proue idéale. Lui qui arbore aussi bien la soutane que le smartphone. Un pied dans la tradition, l'autre dans le XXIe siècle. Un visage avenant, mais un discours musclé, que l'on avait plus l'habitude d'entendre: "La France demeure chrétienne dans son ADN. Cela reste dans ses tripes. A nous de faire en sorte que cela ne soit pas seulement un musée. Parfois, les chrétiens ont encore trop peur de cliver." L'abbé Grosjean se définit comme un "combattant de la foi", lui qui se souvient bien des mots de Jean-Paul II, en mai 1980, alors qu'il s'adresse à la foule rassemblée au Bourget: "France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle à ton baptême ?"


Un message adressé aux évêques français, jugés à l'époque trop timorés. Depuis, la situation a changé. Les évêques français ont contribué au succès de la Manif pour tous en 2012-2013. Et ont trouvé dans cette jeune génération décompléxée un formidable relais. Christian Terras, fondateur de la revue catholique progressiste Golias, observe la communauté catholique se transformer avec une pointe d'inquiétude: "C'est tout sauf un feu de paille. Il s'agit d'un catholicisme néoconservateur et identitaire dont les représentants sont jeunes, actifs et mobiles."

Une nouvelle génération qui ne se bouche plus les oreilles à l'évocation du nom Le Pen. L'été dernier, dans la chaleur du mois d'août varois, une digue a d'ailleurs sauté. Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, a invité Marion Maréchal-Le Pen à son université d'été l'Eglise française. Les catholiques de gauche protestent : cette invitation "jette une lumière crue sur le glissement vers la droite la plus dure d'une partie du catholicisme français", écrivent les rédacteurs en chef de Témoignage chrétien. "J'aurais débattu avec elle comme j'ai débattu avec Najat Vallaud-Belkacem", répond tranquillement l'abbé Grosjean. Celui-ci sait bien que les fidèles ont changé. Aux dernières élections régionales, 32% d'entre eux ont glissé un bulletin Front national. C'est cinq point de plus que la moyenne nationale.

Thibaut Pézerat
Soazig Quéméner

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