samedi 16 mai 2015

GPA: AUTOPSIE DES DIVERGENCES DE LA GAUCHE

Par Edouard in Le figaro.fr

Bergé contre Bové : la GPA divise plus que jamais à gauche

 A gauche: Pierre Bergé et Elisabeth Badinter, favorables à la GPA. A droite: Sylviane Agacinski et José Bové, farouches adversaires des mères porteuses. Leur point commun: ils se disent tous quatre «de gauche».

Un collectif de personnalités de gauche vient de signer un appel pour l'abolition de la GPA. Pourtant, cette position est loin de faire l'unanimité à gauche. Panorama des divergences.

La Manif pour Tous n'a pas le monopole de la lutte contre la GPA. Une partie de la gauche lui a emboité le pas. Cette semaine, 160 personnalités ont signé une tribune dans Libération appelant à l'abolition universelle de la Gestation pour Autrui. Parmi elles, le philosophe Michel Onfray, la féministe Sylviane Agasincki et l'écologiste José Bové, trois personnalités dont l'engagement à gauche est incontestable. «Le triptyque Bové/Onfray/Agacinski est révélateur du souci de cohérence de notre démarche. Les gauches écologiste, antilibérale et féministe doivent s'unir contre la marchandisation du corps des femmes», a résumé au Figaro Marie Jauffret, présidente du Corp, collectif à l'origine de la tribune. Pourtant, cette position est loin de faire l'unanimité à gauche, où la frange libertaire est à l'avant-garde de la défense des contrats de mères porteuses.

LES ARGUMENTS DES PRO-GPA DE GAUCHE


Un cadre contre les dérives: la «GPA éthique»

Le grand argument de ceux qui à gauche sont favorables à la légalisation de la GPA est que celle-ci existerait de facto, et qu'il conviendrait alors de la légaliser pour éviter les dérives. Le même argument est employé pour la légalisation de la prostitution ou du cannabis. «Un cadre contre les dérives», ainsi était intitulée une pétition publiée dans Le Monde en décembre 2010. «Sans encadrement, les droits de tous ceux dont le corps peut être source de profit sont en danger. C'est la raison pour laquelle nous proposons de fixer le cadre qui permettra aux femmes de porter un enfant pour d'autres parents sans voir leurs droits menacés» pouvait-on lire dans cette tribune signée entre autres par Najat Vallaud-Belkacem, François Rebsamen, Caroline Fourest et Elisabeth Badinter. Cette dernière, féministe de renom, défend l'idée d'une «GPA éthique», qui serait bénévole et soumise à des conditions strictes.

• «Un enfant est un projet»

«Au XXIe siècle, la fondation d'une famille est l'expression d'une volonté, c'est-à-dire de la conjonction d'une liberté individuelle et d'un projet partagé. La venue au monde d'un enfant résulte de cette liberté et de ce projet. Encadrer la gestation pour autrui, c'est reconnaître que cette liberté et ce projet ne s'arrêtent pas aux frontières biologiques», écrivaient encore les signataires de cette tribune. «La multiplicité et la plasticité des modèles familiaux ne peuvent être ignorées plus longtemps» ajoutaient-ils, arguant que seule désormais la volonté des individus permet de «faire famille», le lien biologique étant secondaire.

• «La plus grande subversion féministe»

Pour Caroline Mecary, avocate spécialisée dans la défense des droits LBGT, la GPA constituerait «la plus grande subversion féministe que l'on puisse imaginer: s'affranchir enfin du devoir d'être mère». En libérant la femme de la servitude biologique qu'elle pourait déléguer à d'autres, la femme gagnerait enfin l'émancipation complète qu'elle poursuit depuis des années.

• «Louer son ventre pour faire un enfant pour louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence?». Cette phrase de Pierre Bergé, prononcée lors des débats sur le mariage pour tous, avait fait polémique. Son argument était le suivant: comme un travailleur dispose de la force de ses bras, une femme dispose de son corps qu'elle peut donc louer comme instrument de travail. Pierre Bergé se faisait ainsi un des rares défenseurs de la GPA rémunérée.

LES ARGUMENTS DES ANTI-GPA DE GAUCHE

• Un «abaissement des femmes»: l'argument féministe

Mis à part Elisabeth Badinter, la plupart des féministes en France sont contre la Gestation pour autrui. Osez le Féminisme a pris parti contre, même si le sujet est loin d'être le cheval de bataille de l'association.

A gauche, la plus farouche adversaire de la GPA est sans conteste Sylviane Agacinski. Elle lui a même consacré un essai Corps en miettes, où elle écrit: «J'éprouve un certain dégoût à devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de demander à une femme de mettre son ventre à la disposition d'autrui.»

La philosophe féministe conteste toute possibilité de GPA éthique, y voyant par essence «une forme inédite de servitude et d'abaissement des femmes.» «Le contrat de mère porteuse est contraire au principe de respect de la personne, aussi bien celui de la femme, qui porte l'enfant commandé, que celui de l'enfant, commandé par une ou deux personnes, qui se développe dans le ventre de la “porteuse”, puis est livré. Les êtres humains ne sont pas des choses.», rencherissaient les signataires d'une supplique adressée au président de la République dans Libération, parmi lesquels Jacques Delors et Lionel Jospin, mari de Sylviane Agacinski.


«J'éprouve un certain dégoût à devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de demander à une femme de mettre son ventre à la disposition d'autrui
Sylviane Agacinski

• Un «esclavage»: l'arguement antilibéral


De plus, argumente la gauche anti-GPA, «la GPA repose souvent sur l'exploitation des femmes les plus démunies.». Ainsi le philosophe Michel Onfray fustige «la gauche tellement libérale qu'elle défend la vente d'enfants en justifiant la location d'utérus des femmes pauvres pour des couples riches».

• Une manipulation du vivant: l'argument écolo

Au sein des écologistes, la rupture est consommée entre ceux qui, comme Esther Benbassa, Sergio Coronado ou les jeunes écologistes, sont favorables à la Gestation pour autrui, et ceux, comme Noël Mamère ou José Bové, qui sont contre. Ce dernier s'est prononcé «contre toute manipulation sur le vivant, que ce soit pour des couples homos ou hétéros». «Je pense qu'à un moment, le droit à la vie et le droit à l'enfant sont deux choses différentes. Je ne crois pas que le droit à l'enfant soit un droit. Je vais me faire plein d'ennemis» avouait ce dernier sur une télévision catholique, il y a tout juste un an.

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